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Just dumb
21 mai 2006

Pour de bon, cette fois

C’était il y a déjà quelque temps, dans le courant de la semaine.

Encore et toujours, l’histoire semble se répéter.

Les cognes sont venus frapper à ma porte. C’était cette fois-ci pour m’annoncer une disparition. Celui qui avait un nom rugueux d’italien et un visage assorti, quoique parfois barré d’un sourire bizarre, n’était plus, ne sera plus. Coïncidence ou pas, les flics sont venus me le dire à l’heure où la plupart du temps nous nous rencontrions. Quand nous nous rencontrions au lieu de nous croiser. Nous ne nous étions pas vus pendant plusieurs années, et depuis plusieurs mois, le hasard des poisons et virées nocturnes avaient joint à nouveau nos chemins. "On se capte", avait-il l’habitude de chuchoter d’une voix de rogomme. Maintenant, je sais qu’il ne me rendra plus le livre de Nick Toshes que je lui avais prêté, et tant pis.

J’ai fini par leur dire que je savais qu’il avait une sœur, mais que je ne connaissais ni son prénom, ni son adresse, ni rien d’autre. C’était vrai, mais ça n’avait pas l’air de les arranger. Rien d’ailleurs n’avait l’air de les arranger. Ils en ont profité pour me faire des tas d’allusions sur les produits prohibés, leurs usages, et les inconvénients d’une perquisition. Je leur ai dit que ma porte leur était ouverte, et j’ai lancé à l’attention de la petite conne qui se croyait forte à cause de son flingue à sa ceinture, que je pourrais lui faire du thé. Elle m’a lancé un regard encore plus torve, qui l’a rendue un peu plus méprisable, à l'instar de ses congénères. À un moment ou un autre, j’ai fini par sourire à travers mes larmes stériles, en pensant à lui qui me reprochait toujours mes habitudes de riches.

J’ai signé une déposition. Ils m’ont emmené en voiture, et nous sommes partis pour l’identification. Je ne le savais pas, mais il y a une morgue pas très loin de chez moi, et ils l’avaient mis là. C’était bien lui, je l’ai reconnu rien qu’à son pantalon. Je me demandai au passage si je l’avais déjà vu avec un autre fute. J’ai encore signé l’identification.

Je suis rentré chez moi, j’ai ouvert une bouteille de Cairanne, puis j’ai feuilleté un livre sur Francis Bacon, qui peignait si bien l’intérieur des humains. J'ai mis "Live with me" de Massive Attack & Terry Callier. La lancinante question ne cessait de m’obséder : le départ des proches, qu’il soit volontaire ou pas, nous empêchait-il d’exister ? Cela nous enlevait-il un morceau de notre existence ?

J’ai pris un cacheton et je me suis endormi en pensant au "Voyage en Orient" de Lamartine.

"Heard your songs of freedom and man forever stripped,
Acting out his folly while his back is being whipped.
Like a slave in orbit, he's beaten 'til he's tame,
All for a moment's glory and it's a dirty, rotten shame.

There are those who worship loneliness, I'm not one of them,
In this age of fiberglass I'm searching for a gem.
The crystal ball up on the wall hasn't shown me nothing yet,
I've paid the price of solitude, but at last I'm out of debt."

Bob Dylan - Dirge

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Commentaires
J
Je ne sais pas si je l'aimais, dire que je l'appréciais serait sûrement plus juste.<br /> <br /> Les disparitions ne s'intègrent jamais totalement dans une vie, ai-je l'impression, de quelque nature qu'elles puissent être.
W
C'est vrai, ça n'empêche que c'est atroce de savoir qu'on ne reverra pas qqn qu'on aimait...
J
Personne ne peut aider personne, dans un tel domaine.
L
le départ des proches...leur absence me semble au contraire en raviver la présence intime de leur souvenir<br /> il est des blessures difficiles à soigner, j'aimerais t'aider mais...
Just dumb
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